mercredi 15 mars 2017

La main du diable


Mon amie, tu me disais que tout allait bien, que tu filais le parfait bonheur avec celui que tu appellerais l'homme de ta vie. Quelque chose en moi, me faisait croire le contraire mais tu insistais tellement sur l'avenir grandeur de votre amour que j'ai fini par te croire. Lorsque honteuse, tu m'as confié avoir été bousculée lors de votre dernière chicane,  j'ai aussitôt compris dans quel cercle vicieux tu étais prise. Comment pourrais-je te faire comprendre que lorsqu'on aime mal, on n'aime pas vraiment ? Que l'amour n'est pas fait d'injures ou de bousculades? Que l'amour doit te donner des ailes et non de te les arracher?


Peu après ma séparation d'avec le père de mes filles, j'ai fait la connaissance de Yannick. Comme je l'aimais! Après une relation de près de 10 ans, je ne désirais qu'une chose; aimer et être aimée. Rapidement, les gens de mon entourage m'ont mis en garde, selon eux il ne me méritait pas. Évidemment, je n'ai pas porté attention à leur mise en garde. J'étais même déçue qu'ils ne soient pas heureux pour moi. Plus ils parlaient en mal de Yannick, plus je le défendais, plus je m'éloignais d'eux.


J'ai rapidement compris qu'il n'était pas comme les autres, qu'il avait une certaine froideur mais dans ma désolante naïveté, je croyais que cela le rendait mystérieux. La noirceur de son âme s'est présentée à moi lentement, hypocritement, sournoisement. Il etait trop tard, je l'aimais.


Au début, il n'était pas violent physiquement. Il me faisait plutôt sentir coupable pour tout ce qui lui arrivait, me faisait payer pour tout, empruntait mon auto même si je ne voulais pas, me faisait courir le rejoindre chez lui aux grés de ses désirs, aux grés de ses besoins.


Yannick jouait de la guitare, il adorait le heavy métal. Bien que je détestais ce genre de musique, il se tenait des heures debout dans mon salon à jouer d'interminables partitions. Assise sur le divan, il insistait pour que je demeure là à l'écouter jusqu'aux petites heures du matin. Une nuit, je me suis endormie tandis qu'il jouait un morceau qui selon ses dires était si difficiles que seul les vrais guitaristes étaient capables de la jouer. Je venais à peine de m'assoupir, il est venu près de moi et m'a versé son verre de lait dans le visage. Tandis que je me réveillais en tentant de comprendre ce qui s'est passé, il a pris son cendrier et me l'a également lancé au visage. Terrorisée, j'avais peur de me lever, de réagir, de lui ordonner de partir. Je me suis donc assise puis j'ai pleuré tant j'étais humiliée . Il a alors pris sa bouteille de bière de la soirée qu'il n'avait pas terminée, s'est approché de moi et me l'a versée sur la tête en me regardant droit dans les yeux. Il m'a dit "vas-tu l'écouter là ma toune!? Je te joue quelque chose d'exceptionnel et toi tu m'insultes en me dormant dans la face"!!! J'ai alors pleuré toutes les larmes de mon corps en demeurant assise à l'écouter couverte de liquide et de résidus de cigarettes.  Je me répétais que le lendemain tandis qu'il serait au travail je lui téléphonerais pour lui dire de ne plus jamais revenir chez moi sous peine de porter plainte. J'aurais voulu qu'il parte sur le champ mais vivant dans une petite maison isolée en campagne, je redoutais sa colère.


Le lendemain,  je me suis rendue chez sa mère afin d'aller lui porter toutes ses choses et de récupérer ce que je pouvais avoir oublié chez lui. Sa mère qui était en pleurs m'a aussitôt demandé comment allait son fils, s'il me paraissait différent. Elle m'expliqua qu'il était ni-polaire et qu'elle venait de découvrir qu'il avait cesser de prendre sa médication depuis que j'étais dans sa vie. Elle insista sur le fait qu'il devenait une autre personne lorsqu'il n'était pas medicamenter et qu'elle avait peur qu'il se suicide si je le laissais tomber aussi brutalement. Ce soir-là, il se présenta penaud devant ma porte, se confondant en excuses. Il me parla longuement de sa maladie. Sa vulnérabilité et sa fragilité me touchèrent. Il me supplia de lui donner une seconde chance en promettant de prendre religieusement sa médication.



Empathique et ayant la fausse impression de comprendre son étrange comportement des semaines précédentes, j'accepta de rester à ses côtés. Tout se replaça très rapidement, me permettant de croire que tout cela s'était produit que parce qu'il avait cessé sa médication car depuis qu'il l'avait recommencé il s'avérait être un véritable amour. J'étais stupidement convaincue que ma douceur parviendrait à calmer cette colère qui semblait bouillir en lui.



L'accalmie dura quelques mois, me faisant croire que j'avais eu raison de penser qu'il pouvait changer que tout allait rentrer dans l'ordre. Sa fête approchant à grand pas, j'ai voulu lui préparer une surprise qu'il ne pourrait pas oublier. J'ai alors réserver un tour d'hélicoptère partant de St-Jean-sur-le Richelieu pour aller survoler l'île de Montréal. Je réserva une chambre d'hotel et un bon restaurant. Tout allait être parfait.


Le jour venu, on se rendit là-bas sans qu'il ne le sache. Durant le vol, il ne souffla pas un mot, ne souria pas, demeura de glace. Sur le chemin entre l'activité et le restaurant, il explosa de colère me traitant de tous les noms. Il avait peur des hauteurs, je l'avais conduis là que pour l'humilié, que pour rire de lui. Je me confondis aussitôt en excuses, lui jurant que je n'étais pas au courant, que ma seule intention était de lui faire plaisir. Je m'excusa en pleurant, le suppliant de se chasser la colère qui l'habitait visiblement. Au restaurant, il me fixa avec hargne, la mâchoire serrée, le regard plein de reproches. Nous n'avions pas terminé de manger lorsqu'il se leva en me disant "là c'est assez ma criss de salope, on s'en va"!!!


Ne comprenant pas ce qui se passait, je lui demanda en pleurant de rentrer à la maison. Il refusa, voulant aller discuter à l'hôtel. Loin de chez moi, je n'avais d'autre choix que de le suivre. Une fois à la chambre je lui demanda de m'expliquer la raison de sa colère. Il me répondit que je riais de lui; qu'au restaurant j'avais passé mon temps à regarder le gars derrière lui, qu'il m'avait vu lui mimer mon numéro de téléphone en lui disant de me téléphoner. Ce fut trop pour moi, j'explosa en larmes. Je me suis levée, prenant les clefs de mon auto en lui disant que je rentrais chez moi et que notre relation se terminait sur le champ. Il m'a aussitôt tirée par les cheveux, me propulsant sur le lit. Il lança mon téléphone cellulaire sur le mur, puis s'empara de mes clefs de voiture. Cette nuit-là, il m'a frappée à grands coups de pieds dans le ventre en me disant que c'était ce que méritait une salope dans mon genre. Tandis que je le suppliais de partir, il m'a arraché mes vêtements, m'a empoignée par le bras, à ouvert la porte de la chambre et m'a poussé dans le corridor. Sachant à quel point j'étais complexée, il se doutait bien que je serais incapable de me rendre à la réception de l'hôtel. Quelques minutes plus tard, il m'a fait rentrer puis m'a tenue réveiller toute la nuit en m'injuriant et en me frappant. 


Le lendemain, sur le chemin du retour, il m'a laissé sur le bord de la grande route menant à mon village. Il a récupéré sa voiture puis est parti. Lorsque je suis rentrée chez moi, tous les fils de ma maison étaient coupés soit les fils de mes télévisons, de mes DVD, des charges de mon ordinateurs, de ma caméra. Il avait déchiré mes photos, avait arraché le "tape" des vidéos cassettes de mes accouchements, de mes voyages et de tous les films que j'avais fait de mes enfants. Tout ce qui était cher à mon coeur était détruit, tous mes souvenirs, mon amour-propre aussi.


Je me promis ce jour-là de ne plus jamais excuser la violence conjugale, de ne jamais isoler le premier événement en tentant d'y trouver une explication. Yannick, tenta plusieurs fois de revenir, m'harcelant au téléphone, se rendant même devant chez moi. Une personne qui était très importante dans ma vie était dans le monde criminel, il me menaça de le dénoncer si je n'acceptais pas de lui donner une autre chance. J'étais évidement morte de peur mais je refusa tout de même de lui ouvrir la porte, de lui permettre de m'approcher. 


Un an plus tard, il se présenta chez moi avec des espèces de bricolage, me disant qu'il avait été interné et qu'il avait fait ses créations en pensant à moi. Je referma la porte, refusant de l'écouter. Mais tu sais quoi mon amie? J'ai compris que peu importe ce que j'aurais fait pour lui, jamais je n'aurais pu l'aider, le sauver, le rendre plus doux car il était mentalement malade. Mais tu sais ce qui est le plus ironique ma belle amie? C'est que tu étais de celle qui me disait jadis de prendre mes jambes à mon cou, de me sauver des mains du diable.


Aujourd'hui, c'est à mon tour de te dire de partir le plus loin que tu peux de son emprise, qu'il finira par te brûler les ailes, par effacer toutes les couleurs de ton âme qui te rendent si belle et lumineuse. Le prix à payer pour rester à ses côtés est beaucoup trop élevé. S'il n'en vaut pas la peine, toi en revanche tu vaux tout l'or du monde. Viens me voir, viens je vais t'écouter pleurer, je vais te consoler et te raconter la fois où j'ai laissé les mains du diable se poser sur moi.


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